Florent Ladeyn, produit des Flandres

HEROES

On l’a connu dans une célèbre émission culinaire mais Florent Ladeyn n’a pas attendu les caméras pour prôner une cuisine éthique et citoyenne, faite de produits 100% locaux. Originaire du Nord et amoureux de son terroir, il porte avec fierté l’étendard de la cuisine flamande. 

Portraits
Heroes #5 - Florent Ladeyn, produit des Flandres

Né au sein d’une famille de restaurateurs, Florent Ladeyn a toujours été très au fait du métier. Il décide de devenir chef, car plus que passionné de cuisine, il est avant tout passionné par l’endroit qui l’a vu grandir et qu’il n’a jamais quitté : sa région. Aujourd’hui, il est à la tête de trois restaurants tous situés à Lille et ses environs. À table, pour le déjeuner et le dîner, il propose une cuisine de terroir, créative, respectueuse.  Nous l’avons rencontré à l’Auberge du Vert Mont son fief. Pour le reste, on vous laisse découvrir ce qu’il en dit, car c’est quand même lui qui en parle le mieux.

Florent Ladeyn
Florent Ladeyn

Bonjour Florent, tu peux nous parler de l’Auberge ?

On est ici à l'Auberge du Vermont. C'est une ferme qui a été achetée en 1981 par mon grand-père, qui était un estaminet, une crêperie, une discothèque. Nous, ce qu'on en a fait c'est pousser l'estaminet le plus loin possible. L'estaminet dans le Nord, c'est une brasserie. C'est un endroit où on va pouvoir venir boire un coup et manger ou venir acheter des produits et boire un café ou une bière. Nous, on s'est concentré sur la partie restauration. On a souhaité garder le charme et la convivialité d'un estaminet, mais en poussant la cuisine flamande le plus loin possible. 

En cuisine !
En cuisine !

L’intérieur ici est très minimaliste. C'est brut et délicat, un peu à l'image de notre cuisine et de la Flandre, qui peut paraître très austère a priori, mais où il y a une chaleur humaine. Et nous, ici, on est quand même privilégiés parce qu'on a une campagne qui est magnifique.

Comment es-tu arrivé en cuisine ?

Je suis arrivé dans le métier parce que j'ai passé mon année de terminale littéraire en candidat libre. J'ai été déscolarisé suite à 2 ou 3 blagues de trop. La punition que mon père avait trouvée, c'était de me faire faire la plonge à chaque service. Je me suis rendu compte à quel point j'aimais cet endroit et j'aimais l'électricité d'un service, le travail en équipe. Petit à petit, j'ai commencé à reprendre les rênes de l'établissement, à m'investir de plus en plus, à faire une cuisine de plus en plus personnelle, jusqu'à tomber, fin 2013, sur un local qui était disponible à Lille. C'est comme ça qu'on a ouvert le Bloempot. Et puis on a ouvert le Bierbuik en mars 2019, qui est notre notre brew-pub dans Lille. 

Je suis encore passionné par cet endroit. Peut-être même plus que du métier en lui-même. Je voulais me battre pour sauver l'entreprise familiale et c'est ce qu'on a fait.

Tu ne te destinais pas forcément au métier de restaurateur ?

Je n’ai pas toujours voulu être cuisinier dans le sens où je connaissais le métier avant de m'y engager. Je savais que c'était un métier difficile et ingrat. 

Le métier m'est apparu comme évident parce que j'étais passionné par l'Auberge. Je suis encore passionné par cet endroit. Peut-être même plus que du métier en lui-même. Je voulais me battre pour sauver l'entreprise familiale et c'est ce qu'on a fait. Ça se passe plutôt pas mal. 

La cueillette du jour
La cueillette du jour

Moi, ça fait 15 ans que je fantasme de travailler en 100% local

Tes choix de cuisine sont assez radicaux, ça a toujours été un parti pris ou est-ce que ça s’est construit au fil des années ?

On a fait le choix d'être très radicaux. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on est on est sorti de notre confort en s'imposant de travailler 100% de produits locaux en cuisine. C'est vite dit, mais c'est un long process avant d'arriver là, il faut que le terroir soit prêt. Il faut qu'on ait tous les produits nécessaires à la cuisine. Ça a mis quelques années à se remettre en place. Moi, ça fait 15 ans que je fantasme de travailler en 100% local. On y arrive depuis trois ans parce que le dernier produit qui nous manquait, c'était le sel. 

Et au-delà de ça, on veut donner un sens à notre travail, porter haut l'étendard des produits flamands, des produits du Nord et défendre les producteurs. Ça n'a pas de prix. 

Des produits en circuit court
Des produits en circuit court

Ça implique de ne pas proposer des produits que l’on a l’habitude de trouver dans un restaurant…

Le choix de ne travailler que des produits locaux implique forcément de se fixer un cadre. Et moi, je préfère le voir comme un cadre que comme une restriction, parce que ce cadre donne naissance à beaucoup de créativité. Nous notre cuisine a des inspirations asiatiques selon les moments, américaines, sud-américaines, nordiques. On fait des recettes du Moyen-Orient en utilisant leurs techniques, leurs inspirations, leurs saveurs, mais en travaillant que des produits locaux, et c'est facile à faire, c'est possible. 

Nous, on fait une cuisine de produits locaux à 100%.  Si on parle de Boeschepe, les viandes sont produites maximum à 30 km de l'auberge, les légumes à 20 km.

On entend beaucoup parler de saisonnalité, choisir le locavore c’est pousser encore plus loin ? 

La saisonnalité, à mes yeux ça ne veut rien dire, parce que c'est toujours la saison de quelque chose quelque part et qu'aujourd'hui on peut avoir un fruit cueilli en Amérique du Sud, et l'avoir 48 heures après dans une assiette. 

Locavore, c'est un peu plus parlant, mais j'ai un problème avec ce terme de locavore parce que d'un pays à l'autre, la définition du locavorisme change. Nous, on fait une cuisine de produits locaux à 100%.  Si on parle de Boeschepe, les viandes sont produites maximum à 30 km de l'auberge, les légumes à 20 km. Le produit le plus exotique que j'ai moi ici, c'est le sel qui vient du cap Gris-Nez et le cap Gris-Nez, je pense que c'est à 105 km. 

  • Un dressage travaillé
    Un dressage travaillé
  • pour sublimer les produits
    pour sublimer les produits

Ces choix demandent une grande connaissance des produits, c’est ça pour toi être chef ?

Tous les chefs ont une grande connaissance des produits. Être chef engagé dans son territoire et faire le choix de ne travailler que des produits locaux demande cette connaissance des produits mais aussi une relation très étroite avec les producteurs et le terroir, la saisonnalité et le respect de leur travail. Je n'estime pas avoir une plus grosse connaissance que les autres, loin de là. Par contre, je connais mes producteurs et je connais mon terroir. 

Tu peux nous parler de producteurs avec lesquels tu travailles ?

J'ai deux producteurs en tête Dries Delanote ; un agriculteur qui est maraîcher, qui travaille en permaculture, qui n'a pas de gros tracteur, qui a une ferme de quelques hectares. Il embauche cinq personnes et travaille sans intrants chimiques (NDLR : les produits ajoutés pour améliorer le rendement des cultures). Il travaille selon le calendrier lunaire sur les principes de la biodynamie. Il fait des légumes extraordinaires, 75% de mes végétaux viennent de chez lui. C'est un Flamand de Belgique, donc de l'autre côté de la frontière. Il est à sept kilomètres d'ici et c'est un pionnier. Il n’invente rien, mais il reprend une façon de travailler qui existait il y a déjà quelques siècles, mais qu'on a oubliée.

J'ai un autre producteur en tête, c'est Alex Dequidt. C'est mon petit cousin qui fait de l'élevage de pigeonneaux. Le pigeonneau ça nous vient de toutes les guerres qu'on a eues, où les pigeons voyageurs étaient très utiles. Et l'élevage de pigeons pour faire des courses est encore très présent en Flandres. Lui, ce n'est pas des pigeons de course qu’il nous fait, parce qu'il n'y a rien à manger et que ce n'est pas de la viande, c'est de la semelle, mais c'est du pigeonneau, donc du jeune pigeon. Alex a commencé l'élevage de pigeonneaux il y a 20/ 25 ans, quand personne n'en voulait plus. Mais par amour de son terroir, par amour de l'histoire et pour le respect de la tradition, il s'est mis à en faire. 

La cuisine, il y en a maintenant partout : à la télé, sur internet… ça peut parfois déclencher des vocations. Est-ce que c’est une bonne chose selon toi ? 

L'engouement pour les émissions culinaires à la télé, sur les réseaux sociaux est une très bonne chose à mon avis. Parce que les gens se posent la question de comment est fait un plat, de ce qu'il y a dans l'assiette et ce qu'ils vont manger. Si en plus, ces mêmes personnes se rendent compte de l'impact que ça a sur la société… parce que manger, ça peut paraître bateau, mais je dis toujours que c'est voter trois fois par jour, parce que ça a un impact concret et immédiat sur une économie, sur une campagne.

J'ai envie d'être acteur encore plus marqué auprès de mes producteurs auprès de ce territoire, en continuant à développer les entreprises. 

Ça serait quoi ton conseil à quelqu’un qui voudrait faire ce métier ?

Ce que je dis souvent à quelqu'un qui commence le métier ? C'est une blague, mais quelque part, c'est vrai, parce qu'il ne faut pas leur dire que c'est le plus beau métier du monde, ce n’est pas vrai ! C'est un métier où tu ne vas pas voir tes proches, où tu vas travailler quand les autres s'amusent et tu vas beaucoup travailler. Donc souvent, ce que je dis, c'est "bienvenue en enfer", mais avec un grand sourire, parce que l'enfer, ça peut permettre de goûter à des choses que tu n'auras jamais au paradis. Mais moi c'est ma vie et je l'adore parce que j'ai fait ce choix. C'est un métier qu'il faut faire avec passion. 

Tes projets maintenant ?

Je ne peux pas tout dire ! Mes projets maintenant c'est de continuer à travailler de cette façon. J'ai envie d'être acteur encore plus marqué auprès de mes producteurs et auprès de ce territoire, en continuant à développer les entreprises. 

L’Auberge ici a été rénovée, les tables sont faites par un designer local avec du bois local. La chemise que je porte, c'est du lin qui est cultivé et transformé ici. Dans les chambres d'hôtes, ce n’est que du linge local. On avance, on va dans la bonne direction.

Ton plat préféré des Flandres ?

Mon plat préféré des Flandres. Quand il fait bon, quand il fait chaud en été, c’est le potjevleesch, en flamand, ça veut dire petit pot de viande.

Ce sont quatre viandes froides qui sont travaillées en gelée parce qu'on met des pieds de veaux et de porcs dedans. On le sert froid sur une assiette et on met des frites dessus, histoire de faire fondre la gelée. C'est très simple ! C'est du lapin, du poulet ou de la poule, du veau et du porc.

On cuit ça à la bière et on met un petit peu de vinaigre, des légumes, des herbes et basta, il y en a assez.

Les jardins du Vert Mont
Les jardins du Vert Mont

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