Nous avons rencontré Inès au Salon du violon et des instruments et archets du quatuor qui se déroulait à La Bellevilloise, dans le 20e arrondissement de Paris. Une bonne occasion pour la luthière de présenter son travail : deux violons neufs tout droit sortis de son atelier. C’est aussi pour gagner en visibilité qu’elle a créé son propre site internet. Elle y présente son parcours, son atelier et sa façon de travailler. Nous l’avons suivi à Montpellier pour en savoir un peu plus sur son métier.
Pourquoi as-tu choisi la lutherie ? Comment as-tu découvert ce métier ?
J'ai eu envie de devenir luthière, je pense que ça a commencé par la découverte du violon quand j'étais toute petite, puisque j'ai commencé le violon à six ans et demi et j'en ai joué jusqu'à aujourd'hui. Je pense que le combiné de la pratique du violon et de stages de lutherie, m'a amené à me rendre compte que c'était ce que j'avais envie de faire.
Comment apprend-on le métier ?
Le métier, on l'apprend d'abord à l'école. Moi, je l'avais appréhendé à travers de stages. Mais le vrai apprentissage se fait à l'école. À l'école, on apprend la fabrication du violon, de l'alto et du violoncelle neuf. On a aussi des stages au cours desquels généralement, on oriente plutôt sur la restauration, le montage, l'entretien.
Quels instruments fabriques-tu ?
Je me suis spécialisée dans la fabrication d'instruments neufs. Et du coup, je fabrique des instruments du quatuor à cordes. Le quatuor à cordes, c'est violon - alto - violoncelle, puisque la formation musicale quatuor à cordes, c'est deux violons, un alto, un violoncelle. Je pars de choisir mon bois jusqu'au suivi avec chaque musicien pour les réglages.
Il y a des règles à suivre pour fabriquer un violon ?
C'est très très codifié ! Dans les bois qu'on utilise, il y a deux essences principales qui sont l'épicéa commun pour la table et l'érable sycomore pour les éclisses, donc le côté du violon. Le manche et la tête sont fabriqués d'une seule pièce.
On n’a pas forcément conscience des centaines de possibilités, des variables possibles sur un violon. Un violon, ça a des des mesures très spécifiques, au millimètre près, auxquelles les musiciens sont très sensibles parce qu'ils sont très habitués à longueur de corde, de manche, etc.
Comment peut-on te commander un violon ?
Il y a plusieurs manières. Soit c'est du bouche-à-oreille et je reçois un appel d'une personne qui va me dire "J'ai essayé le violon d’un tel qui me plaît, et j'aimerais avoir quelque chose qui s'en rapproche". En sachant qu'un instrument sera unique et le son à chaque fois différent. C'est impossible d'avoir la copie conforme, stylistique et sonore de ce qui existe déjà.
Quand quelqu'un veut un instrument, moi j'ai vraiment à cœur de rencontrer la personne en tant qu'individu, afin de comprendre la personnalité, l'énergie que la personne peut avoir. Ensuite, au niveau du jeu, vraiment, en termes de musiciens, c'est très très variable. Les personnes qui jouent mes violons sont des débutants ou de grands professionnels.
Chacun va avoir un style très propre à lui, une manière d'émettre le son, de s'approprier l'instrument qui est différente. J'aime bien les écouter jouer, sentir leur style, la prise de son qu'ils ont. Si je ne peux pas les rencontrer, généralement, je demande des vidéos.
Pendant la fabrication, j'envoie souvent des photos et des petites nouvelles. Parfois, ils me donnent des indications en me disant "ah le vernis, j'aimerais bien plutôt rouge, pas de rouge, plutôt patiné, pas trop patiné". Une fois que le violon est terminé, il y a deux ans de suivi de l'instrument — qui sont compris dans la vente — où je vois beaucoup les musiciens pour des réglages. Parce qu'un violon neuf, ça bouge énormément. Il faut ajuster, régler le son.
Tu penses à quoi quand tu fabriques un instrument ?
C'est un travail qui demande pas mal de concentration. On est très concentré et on connaît tellement les gestes qu'on fait qu'il y a presque un côté un peu méditatif parfois. Du coup, c'est assez solitaire. Moi j'ai travaillé seule longtemps. Souvent, je mets la radio, la musique, une émission… Parfois le silence, et du coup, la tête, elle a le temps de quand même pas mal se balader.
Mais si on n’est vraiment pas concentré, c'est un peu dangereux parce qu'on utilise des outils coupants. Et puis aussi parce que c'est très, très précis. Il y a moment où on se dit "allez on envoie" et il y a des moments où c'est hyper focus et là il ne faut pas se louper parce qu’on fait des gestes très minutieux.
Aujourd’hui tu partages un atelier, pourquoi ce choix ?
Aujourd'hui, je travaille dans un atelier que je partage avec Nicolas Brunel, il fait de la haute restauration, il fait aussi de l'entretien, des réglages, un peu d’archèterie. Aujourd’hui, je pense que la majorité des luthiers travaillent seuls. Mais c'est aussi quelque chose qui est difficile.
On cherche à retrouver des ateliers un peu communs pour partager des lieux, ne serait-ce que les machines, et puis aussi pour mélanger — par exemple — un archetier avec un luthier. C'est hyper enrichissant parce qu'on apprend plein de choses. Après, c'est dur parce qu'il y a la potentielle concurrence. Donc c'est toujours un peu à cheval entre les deux. Moi, je pense que ça me convient mieux de travailler à plusieurs.
Pourquoi as-tu décidé de créer ton site internet ?
J'ai décidé de créer mon site internet parce que j’avais envie d'avoir une plateforme un peu plus complète que les réseaux et un peu plus organisée. Il y a quelque chose d'un peu plus propre, un peu plus construit, un peu plus pro que j'aimais bien. J'ai trouvé la plateforme Hubside assez intuitive et pas très compliquée à utiliser. Les modèles qui étaient proposés étaient vraiment jolis. Il y avait déjà un beau travail de mise en page qui était plus à faire, et une grande liberté aussi de choix de polices. Avec un même modèle, on peut faire plein de choses différentes. Et du coup, je trouvais que c’était pro et propre.
https://inesmorin-luthierquatuor.hubside.fr/ 
J'ai pu être accompagnée par un des membres de l'équipe de Hubside pour finaliser mon site et reprendre aussi un petit peu le design et la mise en page. J'étais contente de ce que j'avais pu faire moi même, mais ça a vraiment changé radicalement l'aspect du site et ça a été très efficace, ce que j'en attendais et l'image que j'avais envie de donner, ma vision esthétique de mon site.
En plus de mon site internet et pour avoir un peu plus de visibilité, j'ai commencé à faire des salons comme par exemple le Salon du violon de Paris à la Bellevilloise. C'était ma première exposition vraiment officielle, où j'ai pu présenter deux violons que j'avais fabriqués récemment.
Tu as aussi un groupe de musique ?
J'ai gardé aussi un pied dans la musique. On parlait de la lutherie après un long cursus en musique classique, j'ai un petit peu changé de style et aujourd'hui, j'ai un duo de musique à danser. C'est de la musique traditionnelle et folklorique qu'on propose pour des bals un peu comme autrefois. On reprend des danses d'antan. On est deux chanteuses, moi j'accompagne au violon et à l'accordéon diatonique ; un accordéon un petit peu traditionnel en bois, et ma partenaire chante avec moi et joue de la guitare.
Quels sont tes projets ?
À moyen terme, j'aimerais continuer à faire du neuf et à faire de la fabrication. Mais j'aimerais aussi pouvoir m'installer dans un lieu vraiment à moi pour créer un espace de travail plus commun et aussi faire de l'accueil d'artistes, de la résidence d'artistes, créer un lieu culturel autour du violon, mais pas que... de tous les instruments de musique !